Les moyens de mesures de la pollution atmosphérique dans la région lilloise (142 km2) sont très limités, et ne s’appuient que sur des stations de mesures fixes. ATMO HdF ne dispose que 2 sites de mesures équipés d’instruments pour la mesure particulaire (Boulevard de Leeds, Fives). Ces deux sites sont espacés de moins de 2 km et sont localisés à proximité d’un axe routier important (périphérique). Pour comparaison, la mesure de pollution particulaire de l’air dans Paris intra-muros (surface équivalente à celle de la MEL) s’effectue sur 9 sites. En raison du nombre très limité de stations de surveillance, la distribution géographique des particules dans l’environnement urbain ne peut être observée.
Parallèlement aux instruments conventionnels, réglementés, encombrants et coûteux utilisés dans les stations AASQA, des capteurs de particules miniaturisés sont de plus en plus développés. Ils constituent un moyen omniprésent de surveiller la qualité de l’air, avec une limite de détection et une précision suffisante, puisque l’étalonnage est régulièrement contrôlé. La diffusion massive d’appareils mobiles, comme les smartphones, permet à chaque citoyen de connecter des capteurs de la qualité de l’air pour un coût raisonnable. Le réseau CASPA (CApteurs et Sciences PArticipatives) a permis à l’échelle nationale de rassembler des chercheurs travaillant sur cette thématique (dont B. Hanoune et M. Puigt) afin d’harmoniser les outils utilisés et les méthodes de traitement et de gagner en efficacité face aux potentiels problèmes de réseau de capteurs bas coûts. Alors que la plupart des projets utilisant des capteurs à faible coût se concentrent sur la qualité de l’air intérieur [1-3] (notamment parce que les concentrations des polluants y sont généralement plus élevées), quelques-uns étudient la surveillance de la qualité de l’air extérieur [4-8]. Cependant, la plupart d’entre eux souffrent du fait que (i) les capteurs ne sont pas mobiles [4-6] et (ii) doivent être calibrés manuellement [4-8], (iii) les capteurs mobiles suivent toujours les mêmes itinéraires [9].
Le projet « Apolline prend le vélo » vise donc à fournir une infrastructure analytique innovante pour l’acquisition, l’agrégation et l’assimilation de flux de mesures environnementales collectées par des stations mobiles faiblement distribuées utilisant des capteurs miniaturisés préalablement validés. En particulier, le projet « Apolline prend le vélo » se concentrera sur l’acquisition de particules (PM1, PM2.5 et PM10) liées à la qualité de l’air dans les zones urbaines. « Apolline prend le vélo » ira au-delà de l’état de l’art en matière de surveillance de l’environnement pour relever les principaux défis liés à la diversité et à l’imprécision des capteurs physiques en introduisant des techniques d’auto-calibrage robustes pour assurer la cohérence globale des mesures. Pour faire face au volume illimité de flux de mesures à collecter et à traiter, le projet « Apolline prend le vélo » prévoit d’adopter une architecture décentralisée afin d’exploiter la puissance de calcul en périphérie de l’infrastructure (par exemple, les smartphones pour relayer les mesures des capteurs) et ainsi améliorer la confidentialité et la qualité des flux de mesures. Sur la base de ces données, un modèle de qualité de l’air urbain (Projet financé ISITE MUSQA : MUlti-scale processing of Spatio-temporal data: air Quality modelling Application) peut estimer les concentrations de polluants à l’échelle de la ville, pour chaque heure et jusqu’à la résolution des rues. Il sera également important de quantifier les incertitudes qui résultent des mesures par mini capteurs afin de fournir des niveaux de confiance aux simulations et, en particulier, de calculer les variances et les covariances des erreurs de simulation qui sont des éléments clés des schémas d’assimilation de données. Le consortium a récemment revisité l’étalonnage des capteurs mobiles comme un problème de factorisation matricielle informée, dans le cadre d’un projet de recherche participative OSCAR (Observation et Sensibilisation Citoyenne à la qualité de l’Air en Région) financé par la Région Hauts-de-France et labellisé projet REPERE par le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire. La méthode proposée est suffisamment souple pour prendre en compte les mesures précises fournies par l’AASQA et assouplit les hypothèses des méthodes de pointe pour effectuer l’étalonnage. Cependant, elle est encore limitée à quelques modèles de calibration.
A plus long terme, le projet « Apolline prend le vélo » permettra de nourrir une base de données qui pourra par la suite être utilisée par le pré-projet financé par l’ISITE PAMELA (Particules Atmosphériques – Mesure de l’Exposition (des personnes/individuelle/rien) à Lille et aux Alentours) dont les objectifs à long terme sont d’identifier les facteurs environnementaux impactant la santé dans les Hauts-de-France.
Le projet « Apolline prend le vélo » vise donc à innover dans le domaine des plates-formes analytiques en allant au-delà des mesures standard et en ajustant continuellement les modèles de qualité de l’air permettant ainsi une nouvelle gamme d’exploitations, y compris le rendu de cartes dynamiques de la qualité de l’air à l’échelle de la rue, mais aussi des études scientifiques sur la qualité de l’air par le biais de données ouvertes.
Recherche participative :
Un pan du programme de recherche “Apolline prend le vélo” s’appuie sur une démarche participative pour impliquer des habitants de la métropole lilloise en tant que bénévoles. Un partenariat a été établi avec l’association Droit au Vélo. Cette association vise à promouvoir le vélo comme mode de déplacement privilégié, particulièrement en milieu urbain dans le Nord et le Pas de Calais. Les cyclistes de l’association sont fortement concernés par la problématique de la pollution de l’air et cherchent à connaître leur niveau d’exposition à cette pollution. Concrètement, les cyclistes de l’ADAV sont mobilisés pour porter les capteurs de mesure de la qualité de l’air durant leurs trajets à vélos dans la métropole lilloise.
Pour impulser cette démarche participative et la maintenir sur le temps long, les partenaires ont fait appel à la Boutique des sciences de l’Université de Lille en répondant à l’AMI Recherche participative de l’Université de Lille). La Boutique des sciences anime la concertation entre l’ADAV, les cyclistes et une des chercheuse du projet. Il s’agit d’aller au-delà d’une participation à une collecte de données. La Boutique des sciences utilise les méthodes et outils de la Recherche Action Participative pour impliquer les cyclistes dans la discussion autour des enjeux de la recherche, de la collecte mais également de l’analyse et de l’interprétation des données. Cette participation au sens fort du terme, permet aux chercheurs d’accéder au terrain de manière différente et ouvre des perspectives de recherche sur des questions non traitées. Pour les cyclistes et l’ADAV, c’est un moyen de partager leur expertise, de s’approprier des résultats, méthodes et concepts utiles pour leur action. L’accompagnement qui anime la relation et les échanges entre les acteurs est primordial pour un impact véritable et durable sur les parties prenantes de la recherche.